"Bienheureux serai-je si on m'outrage et me calomnie". Ne faites que ce qui peut mériter que votre nom soit inscrit dans les livres célestes, là où ne sont pas notés les noms d'après les mensonges des hommes et les louanges décernées à ceux qui les méritent le moins. Mais où, par contre, sont inscrites avec justice et amour les œuvres des bons pour qu'ils puissent recevoir la récompense promise à ceux qui sont bénis de Dieu. Jusqu'à présent on a calomnié et outragé les Prophètes. Mais quand s'ouvriront les portes des Cieux, comme des rois imposants, ils entreront dans la Cité de Dieu et ils seront salués par les anges, chantant de joie. Vous aussi, vous aussi, outragés et calomniés pour avoir appartenu à Dieu, aurez le triomphe céleste et quand le temps sera fini et le Paradis rempli, alors toute larme vous sera chère parce que par elle vous aurez conquis cette gloire éternelle qu'au nom du Père je vous promets.
Allez. Demain je vous parlerai encore. Que restent seulement les malades pour que je les secoure dans leurs peines. Que la paix soit avec vous, et que la méditation du salut par le moyen de l'amour vous mette sur la route qui aboutit au Ciel."
"Bienheureux serai-je si je suis pauvre en esprit"
Oh ! fièvre satanique des richesses à quels délires tu conduis les hommes ! Les riches, les pauvres. Le riche qui vit pour son or, idole infâme de son esprit en ruines. Le pauvre qui vit de la haine qu'il a pour le riche qui possède l'or, et même s'il ne se rend pas matériellement homicide, il proclame ses anathèmes contre les riches, leur souhaitant toutes sortes de maux. Il ne suffit pas de ne pas commettre le mal, il faut encore ne pas désirer le faire. Celui qui maudit en souhaitant malheurs et mort ne diffère pas beaucoup de celui qui tue matériellement, car il a en lui le désir de voir périr celui qu'il hait. En vérité je vous dis que le désir n'est qu'un acte que l'on retient, comme le fruit d'une conception déjà formé mais non expulsé. Le désir mauvais empoisonne et corrompt, car il dure davantage que l'acte violent. Il s'enracine plus profondément que l'acte lui-même.
Celui qui est pauvre en esprit, s'il est matériellement riche ne pèche pas à cause de l'or, mais avec son or il réalise sa sanctification parce qu'il en fait de l’amour. Aimé et béni, il est semblable à ces sources qui sauvent les voyageurs dans les déserts et qui se donnent sans avarice, heureuses de pouvoir se donner pour soulager ceux qui désespèrent. S'il est réellement pauvre, il est joyeux dans sa pauvreté et trouve son pain agréable. Il est joyeux car il échappe à la fièvre de l'or, son sommeil ignore les cauchemars et il se lève bien reposé pour se mettre tranquillement à son travail qui lui est léger parce qu'il le fait sans avidité et sans envie.
L'homme peut être riche matériellement avec l'or, moralement par ce qu'il affectionne. Sous le nom d'or, on comprend non seulement les ressources pécuniaires, mais les maisons, les champs, les bijoux, les meubles, les troupeaux, tout ce qui en somme donne l'aisance à la vie. Les richesses morales consistent dans: les liens de parenté ou de mariage, les amitiés, les richesses intellectuelles, les charges publiques.
Comme vous le voyez, pour la première catégorie le pauvre peut dire: "Oh! pour moi, il me suffit de ne pas envier celui qui possède et je me contente de la situation qui m'est imposée"; pour la seconde, celui qui est pauvre doit encore se surveiller car le plus misérable des hommes peut devenir coupable si son esprit n'est pas détaché. Celui qui s'attache immodérément à quelque chose, celui-là pèche.
Vous direz: "Mais alors, nous devons haïr le bien que Dieu nous a accordé ? Mais alors, pourquoi commande-t-Il d'aimer le père, la mère, l'épouse, les enfants et pourquoi dit-Il: 'Tu aimeras ton prochain comme toi-même' ? ". Il faut distinguer. Nous devons aimer le père, la mère, l'épouse et le prochain, mais dans la mesure que Dieu nous a fixée: "comme nous-mêmes". Tandis que Dieu doit être aimé par-dessus tout et avec tout nous-mêmes. Nous ne devons pas aimer Dieu comme nous aimons ceux qui nous sont les plus chers: celle-ci parce qu'elle nous a allaités, cette autre parce qu'elle dort sur notre poitrine et qu'elle nous donne des enfants, mais nous devons l'aimer avec tout nous-mêmes: c'est-à-dire avec toute la capacité d'aimer qui existe dans l'homme: amour de fils, amour d'époux, amour d'ami et oh! ne vous scandalisez pas! amour de père. Oui, pour les intérêts de Dieu, nous devons avoir le même soin qu'un père a pour ses enfants pour lesquels il veille avec amour sur ses biens et les développe, et s'occupe et se préoccupe de sa croissance physique et culturelle et de sa réussite dans le monde.
L'amour n'est pas un mal et ne doit pas devenir un mal. Les grâces que Dieu nous accorde ne sont pas un mal et ne doivent pas devenir un mal. Elles sont amour. C'est par amour qu'elles sont données. C'est avec amour qu'il faut user de ces richesses d'affections et de biens que Dieu nous accorde.
Et seul celui qui ne s'en fait pas des idoles, mais des moyens pour servir Dieu dans la sainteté, montre qu'il n'a pas d'attachement coupable pour ces biens. Il pratique alors la sainte pauvreté d'esprit qui se dépouille de tout pour être plus libre de conquérir le Dieu Saint, Suprême Richesse. Conquérir Dieu, c'est-à-dire posséder le Royaume des Cieux.
"Bienheureux serai-je si je suis doux".
Cela peut sembler contraster avec les exemples de la vie journalière. Ceux qui manquent de douceur semblent triompher dans les familles, dans les villes et les nations. Mais est-ce un vrai triomphe ?
Non. C'est la peur qui en apparence tient soumis ceux qui sont accablés par un despote, mais en réalité, ce n'est qu'un voile qui cache le bouillonnement de la révolte contre le tyran. Ils ne possèdent pas les cœurs de leurs familiers, ni de leurs concitoyens, ni de leurs sujets ceux qui sont coléreux et dominateurs. Ils ne soumettent pas les intelligences et les esprits à leurs enseignements ces maîtres du "je l'ai dit et je l'ai dit". Mais ils ne forment que des autodidactes, des gens qui recherchent une clef qui puisse ouvrir les portes closes d'une sagesse ou d'une science dont ils soupçonnent l'existence et qui est opposée à celle qu'on leur impose.
Ils n'amènent pas à Dieu ces prêtres qui ne vont pas à la conquête des esprits avec une douceur patiente, humble, aimante, mais qui semblent des guerriers armés qui se lancent à l'attaque, tant ils marchent avec violence et intransigeance contre les âmes... Oh! pauvres âmes ! Si elles étaient saintes, elles n'auraient pas besoin de vous, prêtres, pour rejoindre la Lumière. Elles l'auraient déjà en elles. Si elles étaient justes, elles n'auraient pas besoin de vous, juges, pour être retenues par le frein de la justice. Elles l'auraient déjà en elles. Si elles étaient saines, elles n'auraient besoin de personne pour les soigner. Soyez donc doux. Ne mettez pas les âmes en fuite. Attirez-les par l'amour, car la douceur c'est de l'amour tout comme la pauvreté d'esprit.
Si vous êtes doux vous aurez la Terre en héritage. Vous amènerez à Dieu ce domaine qui appartenait à Satan. En effet votre douceur, qui est aussi amour et humilité, aura vaincu la Haine et l'Orgueil en tuant dans les âmes le roi abject de l'orgueil et de la haine, et le monde vous appartiendra et donc appartiendra à Dieu, car vous serez les justes qui reconnaissent Dieu comme le Maître absolu de la création, à qui on doit donner louange et bénédiction et rendre tout ce qui Lui appartient.
"Bienheureux serai-je si je sais pleurer sans me révolter".
La douleur existe sur la terre, et la douleur arrache des larmes à l'homme. La douleur n'existait pas. Mais l'homme l'a apportée sur la terre, et par la dépravation de son intelligence s'efforce de la faire croître, de toutes les façons. Il y a les maladies, les malheurs qu'amènent la foudre, la tempête, les avalanches, les tremblements de terre, mais voilà que l'homme pour souffrir et surtout pour faire souffrir - car nous voudrions que ce soit non pas nous, mais les autres qui pâtissent des moyens étudiés pour faire souffrir - voilà que l'homme invente des armes meurtrières toujours plus terribles et des tortures morales toujours plus astucieuses.
Que de larmes l'homme arrache à l'homme à l'instigation de son roi secret, Satan ! Et pourtant, en vérité je vous dis que ces larmes n'amoindrissent pas l'homme mais le perfectionnent.
L'homme est un enfant distrait, un étourdi superficiel, un être d'intelligence tardive jusqu'à ce que les larmes en fassent un adulte, réfléchi, intelligent. Seuls ceux qui pleurent ou qui ont pleuré savent aimer et comprendre. Aimer les frères qui pleurent comme lui, les comprendre dans leurs douleurs, les aider avec une bonté qui a éprouvé comme cela fait mal d'être seul quand on pleure. Et ils savent aimer Dieu, car ils ont compris que tout est douleur excepté Dieu, parce qu'ils ont compris que la douleur s'apaise si on pleure sur le cœur de Dieu, parce qu'ils ont compris que les larmes résignées qui ne brisent pas la foi, qui ne rendent pas la prière aride, qui ne connaissent pas la révolte, changent de nature, et de douleur deviennent consolation.
Oui. Ceux qui pleurent en aimant le Seigneur seront consolés.
"Bienheureux serai-je si j'ai faim et soif de justice".
Du moment où il naît jusqu'au moment où il meurt, l'homme est avide de nourriture. Il ouvre la bouche à sa naissance pour saisir le tétin, il ouvre les lèvres pour absorber de quoi se restaurer dans les étreintes de l'agonie. Il travaille pour se nourrir. La terre est pour lui comme un sein gigantesque auquel il demande incessamment sa nourriture pour ce qui meurt. Mais, qu'est l'homme ? Un animal ? Non, c'est un fils de Dieu. En exil pendant des années plus ou moins nombreuses, mais sa vie n'est pas finie quand il change de demeure.
Il y a une vie à l'intérieur de la vie comme dans une noix il y a le cerneau. Ce n'est pas la coque qui est la noix, mais c'est le cerneau intérieur qui est la noix. Si vous semez une coque de noix, rien ne pousse, mais si vous semez la coque avec la pulpe, il naît un grand arbre. Il en est ainsi de l'homme. Ce n'est pas la chair qui devient immortelle, c'est l'âme. Et il faut la nourrir pour l'amener à l'immortalité à laquelle, par amour, elle peut amener la chair dans la résurrection bienheureuse. La nourriture de l'âme, c'est la Sagesse et la Justice. On les absorbe comme un liquide et une nourriture fortifiants. Et plus on s'en nourrit, plus augmente la sainte avidité de posséder la Sagesse et de connaître la Justice.
Mais il viendra un jour où l'âme insatiable de cette sainte faim sera rassasiée. Ce jour viendra. Dieu se donnera à son enfant, il l'attachera directement à son sein, et l'enfant au Paradis se rassasiera de la Mère admirable qui est Dieu Lui-même et ne connaîtra jamais plus la faim mais se reposera bienheureux sur le sein divin. Aucune science humaine n'atteint cette science divine. La curiosité de l'intelligence peut être satisfaite, mais pas les besoins de l'esprit. Et même à cause de la différence de saveur, l'esprit éprouve du dégoût et détourne sa bouche du tétin amer, préférant souffrir de faim qu'absorber une nourriture qui n'est pas venue de Dieu.
N'ayez aucune crainte, vous qui êtes assoiffés ou affamés de Dieu ! Restez fidèles et vous serez rassasiés par Celui qui vous aime.
"Bienheureux serai-je si je suis miséricordieux".
Qui, d'entre les hommes, peut dire: "Je n'ai pas besoin de miséricorde"? Personne. Or si dans l'ancienne Loi il est dit: "Œil pour œil et dent pour dent" pourquoi ne devrait-on pas dire dans la nouvelle: "Qui aura été miséricordieux trouvera miséricorde" ? Tous ont besoin de pardon.
Eh bien ! ce n'est pas la formule et la forme d'un rite, qui ne sont que des symboles extérieurs accordés à l'opaque esprit humain, qui obtiennent le pardon. Mais c'est le rite intérieur de l'amour, ou encore de la miséricorde. Que si on a imposé le sacrifice d'un bouc ou d'un agneau et l'offrande de quelques pièces de monnaie, cela fut fait parce qu'à la base de tout mal on trouve encore toujours deux racines: la cupidité et l'orgueil. La cupidité est punie par la dépense qu'il faut faire pour l'offrande, l'orgueil par la confession publique du rite: "Je célèbre ce sacrifice parce que j'ai péché". Et cela se fait aussi pour annoncer les temps et les signes des temps, et le sang répandu est la figure du Sang qui sera répandu pour effacer les péchés des hommes.
Bienheureux donc celui qui sait être miséricordieux pour ceux qui sont affamés, nus, sans toit, pour ceux encore plus misérables qui sont ceux qui ont un mauvais caractère qui fait souffrir ceux qui le possèdent et ceux qui vivent avec eux. Ayez de la miséricorde. Pardonnez, compatissez, secourez, instruisez, soutenez.
Ne vous enfermez pas dans une tour de cristal en disant: "Moi, je suis pur, et je ne descends pas parmi les pécheurs". Ne dites pas: "Je suis riche et heureux et je ne veux pas entendre parler des misères d'autrui". Pensez que plus vite que la fumée que disperse un grand vent votre richesse peut se dissiper et aussi votre santé, votre aisance familiale. Et rappelez-vous que le cristal fait office de loupe et que ce qui serait passé inaperçu en vous mêlant à la foule, vous ne pourrez plus le tenir caché si vous vous établissez dans une tour de cristal, seuls, séparés, éclairés de tous côtés.
Miséricorde pour accomplir un sacrifice secret, continuel, saint d'expiation et obtenir miséricorde.
"Bienheureux serai-je si j'ai le cœur pur".
Dieu est Pureté. Le Paradis est le Royaume de la Pureté. Rien d'impur ne peut entrer au Ciel où est Dieu. Par conséquent, si vous êtes impurs, vous ne pourrez entrer dans le Royaume de Dieu. Mais, oh ! joie ! Joie anticipée que Dieu accorde à ses fils ! Celui qui est pur possède dès cette terre un commencement de Ciel, car Dieu se penche sur celui qui est pur, et l'homme qui vit sur la terre voit son Dieu. Il ne connaît pas la saveur des amours humaines mais il goûte, jusqu'à l'extase, la saveur de l'amour divin. Il peut dire : "Je suis avec Toi et Tu es en moi. Je te possède donc et je te connais comme l'époux très aimable de mon âme". Et croyez que celui qui possède Dieu subit, inexplicables à lui-même, des changements substantiels qui le rendent saint, sage, fort. Sur ses lèvres s'épanouissent des paroles, et ses actes possèdent une puissance qui n'est pas de la créature, mais de Dieu qui vit en elle.
Qu'est la vie de celui qui voit Dieu ? Béatitude. Et vous voudriez vous priver d'un pareil don par une fétide impureté ?
Bienheureux serai-je si j'ai un esprit pacifique".
La paix est une des caractéristiques de Dieu. Dieu n'est que dans la paix. Car la paix est amour alors que la guerre est haine. Satan, c'est la Haine. Dieu, c'est la Paix. Personne ne peut se dire fils de Dieu et Dieu ne peut reconnaître pour son fils un homme qui a un esprit irascible et toujours prêt à déchaîner des tempêtes. Non seulement, mais de même ne peut se dire fils de Dieu celui qui, ne déchaînant pas personnellement des tempêtes, ne contribue pas par sa grande paix à calmer les tempêtes suscitées par d'autres.
Le pacifique répand la paix même s'il se tait. Maître de lui-même et J'ose dire maître de Dieu, il la porte comme une lampe porte sa lumière, comme un encensoir répand son parfum, comme une outre porte son liquide, et il produit la lumière parmi les nuées fumantes des rancœurs. Il purifie l'air des miasmes des aigreurs, il calme les flots furieux des procès par cette huile suave qu'est l'esprit de paix qui émane des fils de Dieu.
Faites que Dieu et les hommes puissent vous appeler ainsi.
"Bienheureux serai-je si je suis persécuté pour mon amour de la Justice".
L'homme est tellement satanisé qu'il hait le bien partout où il se trouve, qu'il hait celui qui est bon, comme si celui qui est bon, jusque par son silence, l'accusait et lui faisait des reproches. En effet la bonté de quelqu'un fait paraître encore plus noire la méchanceté du méchant. En effet la foi du vrai croyant fait ressortir encore plus vivement l'hypocrisie du faux croyant. En effet, il ne peut pas ne pas être détesté par ceux qui sont injustes, celui qui par sa manière de vivre témoigne sans cesse en faveur de la justice. Et alors, voilà qu'on se déchaîne contre ceux qui aiment la justice.
Ici, aussi, c'est comme pour les guerres. L'homme progresse dans l'art satanique de persécuter plus qu'il ne progresse dans l'art saint de l'amour. Mais il ne peut que persécuter ce dont la vie est brève. L'éternel qui est dans l'homme échappe aux pièges et acquiert ainsi une vitalité plus vigoureuse du fait de la persécution. La vie s'enfuit par les blessures qui saignent ou pour les privations qui épuisent celui qui est persécuté, mais le sang fait la pourpre du futur roi et les privations sont autant d'échelons pour s'élever jusqu'aux trônes que le Père a préparés pour ses martyrs, auxquels sont réservés les sièges royaux du Royaume des Cieux.
"Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait."
"Mon fils, et pourrais-je être venu pour proposer aux hommes des choses impossibles ? Qui penses-tu qui t'a mis dans le cœur ce désir de devenir parfait ?
Ton cœur lui-même ?"
"Non, Seigneur. Je crois que c'est Toi par tes paroles."
"Tu n'es pas loin de la vérité. Mais réponds encore :
pour toi mes paroles que sont-elles ?"
"Justes."
"C'est bien. Mais je veux dire : des paroles d'homme ou de quelqu'un qui est plus qu'un homme ?"
"Oh ! Toi, tu parles comme la Sagesse et avec plus de douceur et de clarté encore. Aussi je dis que tes paroles sont de quelqu'un qui est plus qu'un homme. Et je ne crois pas me tromper si j'ai bien compris ce que tu disais dans le Temple, car il m'a semblé que Toi alors tu disais que tu es la Parole même de Dieu et que donc tu parles en Dieu."
"Tu as bien compris et bien dit.
Et alors qui t'a mis dans le cœur le désir de la perfection ?"
"C'est Dieu qui me l'a mis, par l'intermédiaire de Toi, sa Parole."
Maintenant, réfléchis : si Dieu, qui connaît les capacités des hommes, leur dit : "Venez à Moi. Soyez parfaits" cela signifie qu'il sait que l'homme, s'il le veut, peut le devenir. C'est une parole ancienne. Elle a résonné la première fois aux oreilles d'Abraham comme une révélation, un ordre, une invitation : "Je suis le Dieu Tout Puissant. Marche en ma présence. Sois parfait". Dieu se manifeste pour que le Patriarche n'ait pas de doute sur la sainteté du commandement et sur la vérité de l'invitation. Il commande de marcher en sa présence, car celui qui marche dans sa vie, convaincu de le faire sous le regard de Dieu, n'accomplit pas de mauvaises actions. En conséquence, il se met dans la condition de pouvoir devenir parfait comme Dieu l'invite à le devenir."
"C'est vrai ! C'est tout à fait vrai ! Si Dieu l'a dit, c'est que cela peut être fait. Oh ! Maître ! Comme on comprend tout quand c'est Toi qui parles ! Mais alors, pourquoi tes disciples, et même cet apôtre expriment-ils une idée aussi... effrayante de la sainteté ? Peut-être ne croient-ils pas vraies ces paroles et les tiennes ? Ou bien ils ne savent pas marcher en présence de Dieu ?"
"Ne pense pas à ce que c'est. Ne juge pas. Vois, fils. Parfois leur désir d'être parfaits et leur humilité leur fait craindre de ne pouvoir jamais le devenir."
"Mais alors le désir de la perfection et l'humilité sont des obstacles
pour devenir parfait ?"
"Non, fils. Le désir et l'humilité ne sont pas des obstacles. Il faut même s'efforcer de les avoir profondément, mais ordonnés. Ils sont ordonnés quand il n'y a pas de hâte inconsidérée, d'accablements sans raison, de doutes et de défiance tels que de croire que, étant donnée l'imperfection de son être, l'homme ne peut devenir parfait. Toutes les vertus sont nécessaires et l'est aussi le vif désir d'arriver à la justice."
"Oui. Ceux que j'ai interrogés me le disaient aussi. Ils me disaient qu'il est nécessaire d'avoir les vertus. Pourtant les uns estimaient nécessaire telle vertu et d'autres telle autre, et tous affirmaient l'absolue nécessité de celle qu'ils préconisaient comme indispensable pour être saint. Et cela m'effrayait, car comment peut-on avoir toutes les vertus sous une forme parfaite, les faire naître ensemble comme un bouquet de fleurs variées ? Il faut du temps... et la vie est si courte ! Toi, Maître, explique-moi quelle est la vertu indispensable."
"C'est la charité. Si tu aimes, tu seras saint, car c'est de l'amour pour le Très-Haut et pour le prochain que viennent toutes les vertus et toutes les bonnes actions."
"Oui ? Ainsi, c'est plus facile. La sainteté, alors, c'est l'amour. Si j'ai la charité, je possède tout... La sainteté est faite de cela."
"De cela, et des autres vertus. Car la sainteté, ce n'est pas seulement d'être humble, ou seulement prudent, ou seulement chaste et cætera, mais c'est être vertueux. Vois, mon fils : quand un riche veut faire un banquet, est-ce que peut-être il commande un seul mets ? Et encore : quand quelqu'un veut faire un bouquet de fleurs, pour l'offrir en hommage, prend-il par hasard une seule fleur ? Non, n'est-ce pas ? Car s'il mettait sur les tables des tas de plats d'un seul mets, ses convives le critiqueraient comme un hôte incapable qui se préoccupe seulement de montrer ses possibilités d'achat sans montrer sa finesse de seigneur préoccupé des goûts divers de ses invités et qui veut que chacun, avec un mets ou un autre, non seulement se rassasie, mais se régale. Et de même celui qui fait un bouquet de fleurs : une seule fleur, si grande qu'elle soit, ne fait pas un bouquet, mais il faut des fleurs nombreuses pour le faire et ainsi les couleurs et les parfums variés charment l'œil et l'odorat et font louer le Seigneur. La sainteté, que nous devons considérer comme un bouquet de fleurs offert au Seigneur, doit être formée de toutes les vertus. Dans un esprit c'est l'humilité qui prédominera, dans un autre la force, dans un autre la continence, dans un autre la patience, dans un autre l'esprit de sacrifice ou de pénitence, toutes vertus nées à l'ombre de la plante royale et parfaitement parfumée de l'amour, dont les fleurs domineront toujours dans le bouquet, mais ce sont toutes les vertus qui composent la sainteté."
"Et laquelle doit-on cultiver avec plus de soin ?"
"La charité. Je te l'ai dit."
"Et ensuite ?"
"Il n'y a pas de méthode, mon fils. Si tu aimes le Seigneur, Il te donnera ses dons, c'est-à-dire se communiquera à toi, et alors les vertus que tu essaies de faire croître avec robustesse croîtront sous le soleil de la Grâce."
"En d'autres termes, dans l'âme aimante se trouve Dieu qui opère grandement ?"
"Oui, fils. Il y a Dieu qui opère grandement en laissant l'homme y mettre de lui-même sa libre volonté de tendre à la perfection, ses efforts pour repousser les tentations pour se conserver fidèle à ce qu'il se propose, ses luttes contre la chair, le monde, le démon, quand ils l'assaillent et cela pour que son fils aie du mérite dans sa sainteté."
"Ah ! voilà ! Alors il est très juste de dire que l'homme est fait pour être parfait comme Dieu le veut. Merci, Maître. Maintenant je sais, et maintenant je ferai.
Et Toi, prie pour moi."
"Je te garderai dans mon cœur.
Va, et ne crains pas que Dieu puisse te laisser sans secours."
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